La mode, un phénomène sociologique qui concerne surtout les jeunes.

A l’heure où nous vivons dans une société de consommation, la mode et à travers elle, les marques, occupe une grande place dans la vie quotidienne et est susceptible de contribuer à la construction de l’identité, propice à une bonne intégration scolaire.

La mode est sans conteste un phénomène de société qui touche plus spécifiquement la tranche générationnelle des 11-18 ans. Les jeunes y sont d’autant plus sensibles qu’elle pose des questions complexes de mode de vie, d’évolution, de contexte historique ou géographique, de consumérisme. Manière passagère de vivre et de penser, elle agit sur nos mentalités. Elle nous submerge, nous poursuit…C’est un véritable fait social. La mode et le vêtement façonnent notre identité comme marqueurs sociaux. Mais si le vêtement est le besoin, la mode, c’est le désir et un désir presque incontrôlé et instantané.

Aussi il suffit de croiser un groupe d’adolescents porter un genre nouveau de fringues et l’envie de s’y apparenter s’en fait ressentir !

Fascination des marques, boulimie d ‘appartenance et d’identification, voilà les maîtres mots qui caractérisent notre société. Le regard, l’opinion et à fortiori l’apparence y comptent pour beaucoup. Les jeunes, en manque d’identité, ont du mal à résister à cette dictature. Selon Daniel Gayet, maître de conférences en sciences de l’éducation à Paris X – Nanterre, « le port d’une marque permet de s’identifier à un groupe et de bénéficier d’un prestige qui n’est pas reconnu par l’institution scolaire. »

L’enfant ou l’ado doit ainsi se doter d’une panoplie minimale pour qu’il ne subisse pas de rejet selon un article publié dans le Figaro magazine, c’est-à-dire le jean Diesel, les chaussures Nike ou Converse et le sac à dos Eastpack. Un risque de rejet que 68% des jeunes ont évoqué dans une étude faite par l’Union des Familles en Europe. D’ailleurs, le poste principal de dépenses (23% de l’argent de poche) concerne tout ce qui touche à l’apparence : vêtements, chaussures et accessoires.

Paroles de lycéens

Les avis sont partagés…Il y a ceux qui dénient totalement le fait que la mode puisse jouer un rôle intégrateur et ceux qui admettent que la façon de s’habiller et de se coiffer influe forcément sur la capacité à attirer l’attention et à se faire accepter dans un groupe. Il y a aussi ceux qui, tout en pensant que la mode et les marques sont importantes et que l’on ne peut les ignorer, s’accordent à dire que quelqu’un qui n’est pas dans la tendance peut néanmoins se faire une réputation à condition de posséder d’atouts solides. L’habit ne fait pas le moine, semblent donc dire certains…

N’empêche, le premier coup d’œil est capital et une bonne image de soi est de mise si on ne veut pas être regardé de travers, surtout le premier jour de rentrée !

Autrement dit quelqu’un qui présente un style vestimentaire semblable va davantage être remarqué et estimé car il a plus de chances d’avoir les mêmes goûts et les mêmes centres d’intérêt. Un point de vue que semble partager Pauline, élève de première au lycée Victor Duruy. Mais elle s’empresse d’ajouter que si cela a de l’importance au premier abord, une fois que l’on connaît la personne, le critère de l’apparence disparaît. Le fond finit par l ‘emporter sur la forme…

Aussi, des gens dotés d’un certain humour, d’une présence d’esprit et d’une aisance naturelle n’auront aucun mal à se faire accepter.

Quelle tranche d’âge la mode concerne t-elle ?

D’après une étude de l’agence Euro RSCG, le phénomène de mode concerne davantage les collégiens que leurs aînés lycéens.

En effet, l’analyse révèle que les 11-14 ans sont plus sensibles aux marques qu’ils considèrent comme un facteur d’intégration. Les 15-17 ans y sont très réceptifs mais la mode sert surtout à affirmer leurs différences. Enfin, les 18-24 ans plus sélectifs et réfléchis, ont tendance à prendre du recul par rapport à ce phénomène.

Ainsi, dès l’entrée au collège, les ados sont « accros » aux marques mais arrivés au lycée, la tension est moindre, explique Béatrice Stella de l’Union des Familles en Europe. Les plus jeunes ayant besoin de se construire et de se forger une identité afin d’avoir des repères dans un environnement qui leur est parfois hostile, s’emploient à supplier leurs parents de leur acheter des baskets Nike ou un sac à dos Eastpack, pour être « comme les copains » au risque de se faire traiter de « loser » ou de « ringard ».

Le club des 5 tribus

Vous pouvez croiser dans la rue ou au lycée différents styles, en faites-vous partie ?

D’abord, les gothiques qui se reconnaissent par la couleur noire de leurs vêtements et accessoires. S’ils ont au premier abord une apparence satanique, ils peuvent aussi se revendiquer d’un certain esthétisme. Les extrêmes revêtus des fameux colliers à pics et des bottes noires en cuir à crochets métalliques n’occupent pas exclusivement le devant de la scène, il y a également les « gothiques lolitas » sensibles à la dentelle et au jupon noirs. Ensuite, viennent les skateurs dont l’activité de prédilection est, comme leur nom l’indique, le skate. Leur style : baggys et les incontournables baskets Van’s , leur état d’esprit : goût pour le défi et la performance. Les rappeurs sont dans une moindre mesure, ouverts d’esprit, adeptes de la vie en communauté et de la provocation. Quelle que soit leur activité, danse ou chant, pantalon baggy et sweat sont de rigueur. Mais les accessoires sont essentiels dont les plus caractéristiques sont le portable ou le MP3 autour du cou, la casquette à l’envers abritant le « rag » et les divers bijoux en strass. Les « fashion » y sont également friands : ceintures, sacs, iPod, téléphones portables, colliers de perles…H&M et Zara constituent leur caverne d’Ali Baba, où sont stockées les dernières trouvailles. On a bien compris, leur ligne de conduite est d’être au goût du jour afin de plaire et d’attirer. Tenue correcte et….parfaite exigée ! Enfin, n’oublions pas les babas cool, mêlant généralement couleurs vives, vêtements fantaisistes et colliers de perles en fibro. Leur style reflète leur état d’esprit : tolérance et pacifisme.

Entretien avec Daniel Gayet, maître de conférence en sciences de l’éducation à Paris X – Nanterre :

Qu’est-ce que signifie pour vous le port des marques par les jeunes et en particulier pour les lycéens ?

La mode est un moyen de se faire accepter, de se faire reconnaître par un groupe comme adhérant à leurs valeurs, à leurs codes ; C’est un moyen qu’ils estiment comme valeur de prestige. Les décorations militaires relèvent du même principe avec un grade plus ou moins élevé : plus la marque est prestigieuse, plus on se sent prestigieux.

Selon vous, les jeunes entretiennent t-ils un rapport différent avec le concept de mode selon leur tranche d’âge ?

Oui, c’est davantage plus marqué chez les collégiens qui attribuent une véritable importance aux marques. L’école et plus précisément le collège en dévalorise un certain nombre. Les plus dévalorisés vont compenser leur mal-être par le port des marques comme les jeunes de banlieue en manque d’intégration. Les chercheurs se rejoignent dans cette analyse un peu paradoxale où ceux qui ont peu de moyens achètent des marques.

Concrètement, comment expliquer le problème général de l’adolescence ?

Le souci des ados est de se différencier du monde des adultes. Mais ce qui est frappant, c’est que ce sentiment de provocation sociale s’exprime aussi entre les jeunes eux-mêmes. Un exemple assez commun, c’est celui des bandes de banlieue qui sont amenées à se battre entre eux.

Avec cette euphorie pour la mode, les jeunes sont conscients d’être manipulés, mais la suivent quand même . Cela démontre que le plus important, c’est d’être reconnu par leurs pairs, leurs egos et non par les institutions.

Il y a donc deux sentiments qui dominent chez les adolescents : la revendication d’appartenance à un groupe et la contestation de l’ordre établi. Il y a 50 ans, c’était la même chose mais aujourd’hui, cela s’exprime par l’habillement. L’ado et même l’enfant sont devenus des prescripteurs d’achat, ils exercent une pression forte sur leurs parents.

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